Kim
On voit son sourire presque avant de le voir, à la manière du chat de Cheshire. Kim Laursen, directeur artistique de Maison Ullens, est un joyeux drille. Toutes les femmes qu’il dessine lui ressemblent aussi en ce sens, avec leurs expressions joyeusement exubérantes.
Myriam Ullens
Son histoire est un conte de fée dont la princesse surmonte les épreuves à force de volonté, bien avant de rencontrer le prince charmant. La baronne Myriam Ullens de Schooten, comme on devrait l’appeler si on voulait bien faire, ne vit pas son happily ever after entre bals mondains et galas de charité. Non, c’est de celui des autres dont elle s’occupe en oeuvrant dans la Fondation Mimi (pour accompagner les patients atteints du cancer) et la Ullens School au Népal.
Entre eux, une histoire d’amour qui s’appelle Maison Ullens. « Toute l’histoire de Myriam, tout ce qu’elle est, ce qu’elle a vécu, ce qu’elle a fait, son désir d’aller en avant, son absence de peur, tout cela s’exprime dans la collection parce que c’est un miroir d’elle » raconte Kim dans le showroom parisien de la marque que Myriam a créée en 2009. « La sécurité, la générosité, l’opulence, le réconfort, la douceur, le luxe, le plaisir, ce n’est pas uniquement ce qu’on retrouve dans des vêtements, c’est un vocabulaire qui va avec son être et qu’elle a construit avec l’équipe qui l’entoure. »
Maison Ullens, ce n’est pas du prêt-à-porter, c’est du ready-to-travel, des vêtements qu’on aime tellement qu’on les (em)porterait partout. A Kim, Myriam a donné une quasi-carte blanche pour inventer une garde-robe qui oscille entre classicisme impeccable et expérimentation: cuir et maille sont ses matières phares. La féminité et l’élégance c’est son esthétique.
1nstant parcours: Comment es-tu passé d’un diplôme de commerce à 14 ans chez Lacroix?
J’ai débarqué à Paris en 1991 parce que je voulais absolument travailler chez Christian Lacroix.
Un dimanche, je vois à la une d’un grand journal danois la collection de Christian Lacroix haute couture pour l’été. C’était des body peints à la main avec des plumes, un peu comme du cirque. Je crois que c’était Christy Turlington. Je me suis dit wow, une explosion de couleurs: « c’est ça que je veux faire » et je voulais absolument aller dessiner à Paris. Ma mère me dit « va à Paris, on verra pour le reste ».
Pendant mes études, j’avais envoyé des dizaines de dossiers de candidature. Un jour, je reçois un appel de la maison qui voulait m’acheter une broderie que j’avais dessinée dans un de mes dossiers. Je vais là-bas, je signe le contrat pour ma broderie à 1200 francs et en même temps, j’en profite pour demander s’il ne cherchait pas un stagiaire. Un peu fatigué, la personne me dit « j’ai déjà entendu parler de toi, il n’y a pas grand-chose mais tu peux faire un stage avec moi aux tissus. » Et je commence mon mois de stage.
1nstant rencontre: Parles-nous de ta rencontre avec Myriam Ullens.
Un jour, on m’appelle pour un petit déjeuner au Meurice, j’ai rendez-vous avec une dame. Quand j’arrive au Meurice, elle n’est pas là, personne ne sait qui c’est… Arrive Myriam, qui me dit qu’elle est mon rendez-vous. Une heure et demi plus tard, complètement séduit, je me suis dit que travailler avec quelqu’un comme ça serait un délice mais qu’on verrait bien, puisqu’on était cinq candidats pour ce poste.
Un mois après, j’ai eu le poste. Myriam et Guy transmettent cette joie comme une maladie contagieuse, et ça me donne foi en l’humanité. Une telle générosité humaine, une telle joie, une telle application. Une telle force et source de joie et de normalité. Toute l’équipe est constituée comme ça. Ça a l’air débile quand je le dis mais c’est vrai.
1nstant identité: Qui est la femme Maison Ullens ?
Elle est excessivement active dans tous les domaines. Avec elle le chic est présent en toutes occasions. Quand j’ai pris le relai à la suite de Véronique Leroy, Myriam m’a demandé de garder cet ADN.
Nos clientes et les stylistes nous mixent, nos voisins sont Prada, Dior, Balenciaga. On construit comme on construirait une valise. Tous les looks sont essayés avec trois paires de chaussures : des Stan Smith, des souliers d’homme et des Louboutin à talons. On a rajouté des Moon boots. Ça ne va pas sur tout mais sur 95% des looks. Un sweatshirt avec des talons aiguilles, ça marche.
Nous sommes classiques, ce qui peut être péjoratif pour certains, mais les autres nous voient comme de beaux basiques avec un twist. Toutes les marques ne font pas un manteau cuir et maille réversible. Chaque saison, nous ouvrons le champ d’activité de la maison et nous nous employons à bien exploiter sans recette prédéfinie. Un peu comme en laboratoire, on teste. Myriam dit toujours « si vous voulez, allez jusqu’au bout, on teste, on essaie, on fait. »
1nstant détente: Quel est ton petit plaisir ?
A l’époque où j’étais chez M. Lacroix, nous avions pour défi de lui apporter une nouveauté chaque semaine: un livre, de la lingerie 1900, un truc chiné aux Puces. Il avait un vocabulaire extraordinaire. Il a éveillé chez moi ce désir de fouiner, fouiller partout. Pas seulement d’accumuler les connaissances mais de pousser plus loin l’exploration. Pas seulement de connaître Madame Grès mais de savoir ce qui l’inspirait, pourquoi elle travaillait et de quelle manière.
Je vais chez Galignani une fois par semaine. Juste pour regarder. Les livres ça procure un tel plaisir à feuilleter et les disques à écouter… Tout est intéressant. Je trouve que c’est une vraie richesse, comme la musique. Ça me fait plus plaisir de découvrir un beau livre que de belles chaussures. Et pourtant, j’adore les chaussures.
- Interview / Lily Templeton
- Vidéo / Christine Lerche
- Remerciement / Sabine Revaud
- Produced / 1nstant.fr