Peter Lindbergh, le plus jeune, est né en 1944 à Lissa dans la Pologne de l’époque. Après l’Académie des Arts de Berlin et avoir tutoyer l’art abstrait, il s’oriente vers la photographie de mode au contact de Helmut Newton, Guy Bourdin ou encore Hans Feurer. Il recréera 30 ans plus tard un peu, comme Alexey Brodovitch, directeur artistique du magazine Harper’s Bazaar entre 1934 et 1958, la nouvelle forme réaliste de la photo de mode en réinventant les canons de la mode et de la beauté. Lindbergh s’intéressant plus au fond qu’à la forme, ses images plongent dans l’âme sans fard de ses sujets, peu importe leur familiarité ou leur célébrité. Il photographie Linda Evangelista, Naomi Campbell, Tatjana Patitz, Cindy Crawford et Christy Turlington pour la couverture de l’édition de janvier 1990 du Vogue britannique, qui passera à l’histoire… en noir et blanc. Ainsi s’ouvrit, par l’œil de Lindbergh, ce que l’on appellera plus tard l’ère des “supermodels”.
Steve Hiett, le Britannique, est né en 1940. Contrairement à Lindbergh, il démarre sa longue carrière en photographiant le grand Hendrix en backstage. Le Londres des années 1970 est alors le centre du monde, un creuset de tendances et d’expérimentations, et Hiett y forge ses inspirations : William Klein, James Moore ou encore le “street photographe” Roger Mayne. Il apprend intuitivement à maîtriser la couleur et développe un art du flash qui deviendra sa signature en tant que photographe et directeur artistique. Ses mises en scènes sont ponctuées de clins d’œil à des artistes aussi divers que Francis Bacon, Edgar Degas ou Alfred Hitchcock.
L’aîné des trois, Robert Frank est né en 1924 à Zurich. Il découvre la photographie en rencontrant Paul Klee, pédagogue au célèbre Bauhaus. Très vite, il émigre à New York et réalise des photos de mode et d’accessoires de mode pour le magazine Harper’s Bazaar avec Alexey Brodovitch. Insatisfait, il s’orientera finalement vers la photo et le cinéma sociétal. En 1955, il entame un périple de deux ans pendant lesquels il sillonnera les Etats-Unis avec sa famille, photographiant les multiples strates de la société américaine. Bien que fasciné par sa culture, il adopte un point de vue ironique et extérieur sur la société américaine. Il en fera un éditing ultra serré qui paraîtra en 1958 sous le titre Les Américains. Bien plus tard, Frank affirmera que «quand je regarde les 83 photos que j’ai choisies pour le livre, je me dis que j’ai capté l’essence. »
Si Lindbergh et Hiett étaient également résumés à 83 images chacun, ces 249 images ne résumeraient-elles pas à elles seules l’empreinte indispensable de ces trois génies disparus ces jours-ci ? A quand ce livre culte ?