Dolev Elron : « J’aimerais explorer la mode féminine à l’avenir »
Lauréat de la 39e édition du Festival de mode d’Hyères, où il a remporté le prix grâce à une collection masculine déconstruite, Dolev Elron se confie sur son amour pour l’art, sa vision du vêtement masculin et sa démarche créative.
Il a grandi dans la petite ville de Ramat Hasharon, proche de Tel-Aviv, en Israël. À l’origine attiré par le monde de l’art, Dolev Elron découvre que la mode peut être un terrain propice pour allier ses deux passions. À 19 ans, après avoir été fasciné par le travail du styliste visionnaire Hussein Chalayan — figure emblématique des années 1990-2000 — il prend sa décision : il se forme en couture, obtient son baccalauréat et intègre Shenkar, une prestigieuse école d’art située à Ramat Gan. Aujourd’hui, à 28 ans, il vit à Stockholm et travaille dans les ateliers d’Acne Studios. Souvent vêtu d’une veste en jean, il crée parallèlement son propre vestiaire masculin, où les archétypes traditionnels sont réinventés dans une version plus douce, sensuelle et nuancée.
Comment accueillez-vous la lumière qui tombe sur vous ?
Je suis encore bouleversé. Remporter ce prix dépassait toutes mes espérances, et être finaliste me faisait déjà sentir comme un gagnant. Je suis profondément reconnaissant pour tout ce soutien, mais je sais que ce n’est que le début !
Ce prix n’aurait pas été entre vos mains sans votre collection baptisée « Turbulences occasionnelles ». Que disent ces mots de vous ?
Une tempête silencieuse, un tourbillon spontané. Le terme « turbulence » vient de « Turbulence Displace », un outil que j’utilise pour les perturbations numériques. Je faisais également référence aux turbulences pendant un vol, car je trouve souvent l’inspiration lorsque je suis dans les airs.
Comment décririez-vous cette collection en trois inspirations ?
L’œuvre du sculpteur américain Robert Gober, le film Brokeback Mountain d’Ang Lee (2005) et des spirales de réglisse !
D’ailleurs, pourquoi la mode masculine ?
Cela me semble plus naturel, mais je suis sûr que j’aimerais explorer davantage la mode féminine à l’avenir.
Vous jouez avec les stéréotypes masculins tout en les déconstruisant. Quelle place souhaitez-vous attribuer au corps de l’homme ?
Je suis intrigué par le lien entre machisme et queerness, et je tente d’explorer la tension entre les deux. Le corps masculin peut être à la fois puissant et vulnérable, plutôt que confiné dans des stéréotypes rigides. Mon ambition est de remettre en question les définitions traditionnelles de la virilité et de l’attirance.
Lors du festival, vous êtes fait remarquer grâce à un t-shirt blanc à bretelles déstructurées. Quelle est l’histoire qui se cache derrière cette pièce ?
J’explorais le « Wife Pleaser » [en référence au débardeur blanc populaire au début du 20ème siècle, NDLR], l’une des pièces maîtresses les plus emblématiques de la garde-robe masculine, qui a une histoire chargée en tant que vêtement hyper-masculin. La forme et la construction sont tellement simples et franches qu’il était important pour moi de conserver cette essence. L’élément central du design reste les bretelles, ce qui était plutôt ludique à réaliser.
Une autre particularité de votre création réside dans ces formes rondes qui structurent vos vêtements…
La toute première idée est venue d’un problème courant dans la fabrication des jeans, appelé « Leg Twist ». En raison de la direction du tissage du denim, les jambes des jeans ont tendance à se tordre sur elles-mêmes. J’aimais l’idée que le denim s’enroule naturellement en spirale, tout en accentuant cet effet.
Le choix de vos matières ne semble pas non plus anodin.
Chacune de mes matières représente un archétype, comme le cuir pour un Perfecto et la popeline pour une chemise. La matière et la couleur donnent un sentiment immédiat de familiarité. Tout a commencé avec le jean cinq poches, qui est le vêtement le plus reconnaissable au monde. Cette familiarité est un élément essentiel pour moi : elle nous met à l’aise et laisse place à la perturbation. Je voulais donc assembler la garde-robe autour du jean cinq poches, en me basant sur différents archétypes de l’hyper-masculinité : le motard, le cow-boy, la tête en denim.
Avec quels outils numériques construisez-vous votre vestiaire ?
J’utilise une variété d’outils numériques, principalement Photoshop. Pour ma collaboration avec les Ateliers de Verneuil-en-Halatte, j’ai également exploré des logiciels 3D. Ces outils me servent d’inspiration et de point de départ. Ce qu’ils produisent, je l’appelle « mutations » ou « évolutions ». Je concentre ces effets sur des éléments sexués qui existent déjà dans chaque vêtement, comme les poches, les boucles et les fermetures à glissière, en jouant avec leur fonctionnalité et en la remettant en question.
Que vous apporte le plus la création ?
C’est un moyen de se connecter, la mode est un langage que tout le monde comprend.
Que peut-on vous souhaiter pour l’avenir ?
De continuer à créer.