CHARLOTTE DE FAYET : « PORTER DU MOLLI EST EN TRAIN DE DEVENIR UN SIGNE DE RECONNAISSANCE »
Habituée aux mini-boutiques de 30 mètres carrés maxi, la marque Molli a inauguré fin avril son plus grand magasin : 95 mètres carrés dans la capitale, rue François 1er, tout près des Champs-Élysées. Un point fort alors que la maison de prêt-à-porter spécialisée dans la maille fine de luxe file le parfait succès avec Charlotte De Fayet, sa propriétaire et directrice artistique depuis dix ans. Interview d’une manager enjouée portée sur le point de tricot créatif. By CATHERINE MALISZEWSKI

1. Créer une boutique trois fois plus grande que vos espaces de vente habituels n’est pas anodin…
Habituellement j’aime accueillir les clientes dans des magasins-boudoirs pour leur proposer un dressing feutré, un entre-soi féminin raffiné. Comme à Paris, avenue Paul Doumer ou rue d’Alger… Mais, au 29 rue François 1er, j’ai souhaité ouvrir une Maison, un chez-soi élégant et chaleureux, avec salon, bibliothèque, couloir spacieux, parquet, mobilier chiné, photos encadrées, bouquets de tulipes en laine crochetée. J’ai accordé une attention toute particulière au plafond qui est repeint de fleurs stylisées – Myosotis, Achillea… – rappelant celles des maisons traditionnelles suisses en hommage aux origines de la marque.

2. Molli a 140 ans d’histoire. Avez-vous conservé l’ADN de la marque ?
En partie. Molli s’appuie sur son savoir-faire séculaire : la technique de la maille. Cette griffe de tricot est née en Suisse en 1886 avec le grand succès de la bonneterie et quand celle-ci a périclité dans les années 50, elle a eu la bonne idée de se tourner vers la création de trousseau pour les nouveau-nés – dont ceux des familles royales européennes. Dans les deux cas, Molli a été associée à des notions d’élégance, de confort et de luxe. Nous continuons à valoriser ces valeurs.

maille Smocké. 1NSTANT INTERVIEW
3. Comment avez-vous renouvelé la marque ?
Quand j’ai racheté la maison, en 2014, j’ai senti qu’elle avait les atouts pour devenir une belle marque de prêt-à-porter. Je me suis alliée les talents d’une styliste et nous avons commencé par travailler les couleurs car le Molli original ne proposait que du blanc. Molli ne tricotait que du point mousse alors nous nous sommes ingéniées à en inventer des nouveaux. Nous nous inspirons de mailles existantes pour en créer de nouvelles ou nous en inventons de toutes pièces en utilisant un ou plusieurs fils plus fins ou plus épais, brossés, moulinés, etc. La qualité est toujours là car nous utilisons toujours de la pure laine vierge extrafine filée en Italie et du coton mercerisé. Selon le fil, la maille, le motif et la couleur, la tenue peut être très aérienne et gonflante ou plus rigoureuse, pour une jupe légère ou pour une veste soignée.

4. Pouvez-vous nous citer quelques points de tricot ?
Même si tout n’est pas commercialisé, nous avons créé une cinquantaine de mailles jusqu’à aujourd’hui. Il y a le point Zellige, le point Fair Isle, l’Origami, l’Organza, le Plumetis, le Smoké… La maille Croquet a été infiniment longue à tricoter, elle a été dessinée par une artiste. La maille Bijou s’inspire des sautoirs de perles.

5. Vous étiez destinée à des postes de marketing dans de prestigieuses entreprises. Pourquoi ce virage vers une marque confidentielle ?
J’ai fait une école de commerce, j’ai travaillé chez Danone puis L’Oréal, mais j’ai compris assez tôt que j’étais faite pour l’entreprenariat. À 33 ans, jeune maman, je suis entrée dans la boutique pour bébé Molli, j’ai vu ses ravissants modèles. Alors quand j’ai appris que la marque était à bout de souffle, j’ai saisi ma chance, je me suis proposée pour reprendre l’entreprise.
6. Certains membres de votre famille travaillaient déjà dans la mode. Cela a-t-il motivé votre choix ?
Pas du tout. C’est vrai que ma mère tenait par le passé un bureau de presse qui représentait des marques de mode et de luxe comme Loewe ou Jean-Charles de Castelbajac ; elle a un goût extraordinaire pour les styles et les couleurs, et une telle élégance ! J’ai aussi une tante qui a travaillé au magazine Elle. J’ai toujours été bien entourée et pourtant je n’ai pas l’impression d’avoir été influencée. J’adore simplement associer les couleurs, c’est mon dada, mais je n’ai jamais eu envie de faire une école de stylisme et je ne suis pas la styliste de Molli. J’ai juste fait une formation sur la technique de la maille à l’Institut Français de la Mode pour ne pas être perdue en arrivant chez Molli.
7. Quel est votre rôle au sein de Molli ?
Je suis la chef d’équipe, j’orchestre un peu tout mais chacun est un pilier dans son secteur : le commercial, le web… Je suis à la fois directrice générale et directrice artistique. Je travaille beaucoup avec Astrid, notre styliste, d’ailleurs elle m’a tout appris sur la maille. Je donne les directions, on visite les tricoteurs, on partage nos idées, on se montre des visuels, des échantillons, elle fait des propositions, on échange. Elle fait des allers-retours avec nos ateliers français et italiens. On regarde ensemble le résultat, on corrige, on avance. Notre objectif est toujours d’obtenir un résultat simple et ultra-travaillé, confortable et extrêmement raffiné. À partir de 2025, je souhaite me concentrer à fond sur le produit, la communication et l’expansion de la marque. Parallèlement j’aimerais confier la partie business et la partie production.
8. Après dix ans d’existence, vous produisez quelque 30 000 pièces par an et nombreuses sont les femmes chics de la capitale qui portent vos tenues. Comment expliquez-vous votre succès ?
Molli est une somme de détails raffinés, des petits jeux de points de tricots, un toucher à la fois doux, structuré et délicat, des silhouettes à la fois simples et enrichies par le choix des couleurs. L’alliance du confort, de l’élégance et du luxe. Elle plaît aux femmes actives qui ont envie d’être habillées comme il faut, ni trop, ni pas assez. Élégantes avec un twist en plus. Nos clientes sont avocates, médecins, entrepreneuses, responsables de communication, femmes d’affaires, actrices, architectes, designers, écrivaines. Elles portent Molli pour se sentir accompagnées, bien dans leur mouvement, confiantes. Et ça marche puisqu’elles se donnent le mot : c’est le bouche-à-oreille qui généralement conduit les nouvelles clientes jusqu’à nous ! Porter du Molli est en train de devenir un signe de reconnaissance.
