A tel point qu’à force de lorgner sur les créations joaillières, sa mère lui lance un défi il y a cinq ans : créer son propre bijou. Pari relevé quand elle imagine ce N pavé de diamants – la pierre fétiche d’avril, son mois de naissance – aux arabesques délicates dans lesquelles se niche un œil scintillant en émeraude.
Mais plus qu’une symbolique, c’est une histoire de transmission familiale qui lui a fait choisir ce symbole protecteur millénaire, inscrit à la fois dans ses traditions familiales et dans son enfance en Asie Centrale, comme au cœur de sa marque nouvellement dévoilée.
Rencontre avec une créatrice qui n’a pas froid aux yeux.
1nstant : Qu’est ce qui t’a tapé dans l’œil avec la joaillerie ?
Nigora Tabayer : C’est frappant la charge émotionnelle que le bijou peut porter. On peut facilement s’émerveiller devant quelque chose de beau, mais dès le plus jeune âge, on peut aussi ressentir le poids de la haute joaillerie. C’est bien plus qu’un ornement ou un bijou. Ces créations deviennent de vrais bijoux de famille, une histoire transgénérationnelle à laquelle la transmission ajoute un nouveau chapitre. J’adore les bijoux qui émettent une résonance émotionnelle, des pièces qui ne font pas que refléter la lumière.
Cela s’étend à tous les domaines de création : un objet peut être beau mais s’il fait surgir un souvenir ou une pensée oubliée, sa beauté est décuplée. Ce n’est pas toujours facile à trouver. Mon attrait pour le bijou a toujours été présent, pour autant que je me souvienne. Ma grand-mère avait une collection magnifique, que je me souviens avoir admirée, enfant. En grandissant, j’ai compris la portée extraordinaire de ce qu’on pouvait créer en pierre et en métal.
À quel moment ce choix de carrière t’a sauté aux yeux ?
Je voulais quelque chose de spécifique qui représentait mes souvenirs d’enfance. L’œil est particulièrement présent, notamment dans la collection de ma grand-mère. C’est un talisman qui protège des mauvaises énergies et de la malchance. Je pense que ça a fonctionné pour elle: elle a vécu jusqu’à 102 ans et portait toujours un talisman œil sur elle !
Je me rappelle aussi que ma mère plaçait toujours un œil sur moi, petite, dès que je quittais la maison. Le concept des pendentifs qui associent l’œil et une initiale vient de là. J’ai commencé à les dessiner, les uns après les autres, l’hiver dernier pendant un séjour en Suisse. Et j’ai eu la chance que Graff accepte de réaliser les pièces. Ce sont les meilleurs en terme d’expertise et de qualité.
Dans les faits, je n’ai envisagé de créer des bijoux que bien plus tard, devenue adulte. Au départ, je me destinais à un cursus business et finance.
Si j’avais suivi mon parcours académique, je serai en train de faire du management et de la gestion. Mais j’ai toujours eu le sentiment que je finirais par faire quelque chose de créatif quoi qu’il arrive. En visitant des salons de joaillerie en tant que cliente, je me suis rendu compte que ce que je cherchais n’existait pas vraiment.
Ma mère était créatrice de mode et mon père architecte. Je pense que la création de bijoux fait sens : j’ai le souvenir d’avoir été attirée par les créations schématiques, planifiées que faisait mon père. L’ordre et la linéarité de l’architecture s’accommodent bien à la création joaillère. J’aime la mode mais je suis davantage fascinée par ce type de créativité dirigée par la logique. C’est dans mon sang !
Dirais-tu que tu as plutôt l’œil sur les détails ou une vision d’ensemble ?
En joaillerie, je suis une obsessionnelle du détail ! J’ai fait réaliser des prototypes dans toutes les tailles pour m’assurer que les proportions étaient parfaites. C’était très intensif et c’est à ce moment-là que je me suis rendu compte que certaines pièces ne fonctionnaient que dans une seule taille, alors que la plupart peuvent sont disponibles en petit ou en grand. Les proportions sont une délicate affaire d’équilibre esthétique.
De manière générale, je pense que je vois les choses avec une vision d’ensemble vision d’ensemble. J’adore voyager, visiter de nouveaux endroits et découvrir leurs traditions et coutumes. Tout en gardant les yeux sur mon cap. Je ne reste pas bloquée dans l’instant.
Un conseil à l’œil pour réussir ?
Avoir des rêves est important mais ce qui est vraiment essentiel, c’est de transformer ces rêves en réalité. « Dream big, create bigger. » (Rêver en grand, créer encore plus grand)
Interview / Lily Templeton / Produced 1nstant.fr
Planche 1/ Nigora Tabayer
Planche 2/ Elsa Hosk
Planche 3/ Bella Hadid