Alors que la crise sanitaire interdit – distanciation oblige – à bon nombre de marques de mode d’inviter acheteurs, influenceurs et journalistes à assister in vivo à leur défilé… Alors qu’elle les cantonne désormais à regarder une retransmission numérique de leur show à travers un écran digital… Alors que la crise économique impose aux maisons de revoir à la baisse le budget octroyé à leur collection printemps-été 2021… La maison Louis Vuitton, elle, voit grand.
Elle en témoignera d’ici quelques jours à travers le show live de Nicolas Ghesquière. Toujours très attendu, l’événement figure invariablement chaque saison parmi les moments les plus créatifs des fashion weeks. On se rappelle par exemple son « tuning vestimentaire » rétro-futuriste en mars dernier lors de son défilé Femme automne-hiver 2020-2021. L’Histoire et les styles s’y mixaient avec force et détermination : ici un boléro hispanique violine rebrodé au fil jaune lumière contre un pantalon fuselé avec patch de tissu stretch bleu franc, là un top façon combi de moto en cuir noir souligné d’orange fluo sous une robe de crinoline.
Ça se passait à Paris dans la Cour Carrée du Louvre décorée de gradins où s’alignaient des dizaines de personnages historiques en vêtements d’époque. À cette occasion, Nicolas Ghesquière se distinguait à nouveau par le choix de sa villégiature et par sa mise en scène. Comme lors de son défilé au musée d’art contemporain de Niterói près de Rio de Janeiro pour la collection Croisière 2017, ou au terminal 5 de l’aéroport John F. Kennedy de New York pour la Croisière 2019…
Si les experts de la mode attendent avec fébrilité la prochaine dose fashion de Nicolas Ghesquière – livraison le 6 octobre -, Louis Vuitton, lui, fait déjà figure de référence magistrale cette saison grâce à son autre directeur artistique, Virgil Abloh, qui préside aux destinées des collections masculines de la marque.
Tout a commencé en juillet dernier alors que la crise Covid explosait le calendrier des shows masculins, y compris celui de Vuitton. En lieu et place du traditionnel défilé parisien, Virgil Abloh dévoilait un dessin animé intitulé « The Adventures of Zoooom with Friends » présentant des personnages inventés, drolatiques et stylés – un chien ébouriffé en costume damier, un dragon volant à la veste monogrammée, autant de caractères enfantins, l’enfance étant l’une des sources d’inspiration du créateur. Diffusée sur le net, cette aventure colorée décrivait comment ces créatures imaginaires avaient décidé d’accompagner depuis Paris des cargos remplis d’imposants containers siglés LV.
Ce n’était là qu’un teaser annonçant non pas un mais deux défilés de mode masculine, se déroulant en « présentiel » – comme on dit aujourd’hui. Le premier dans le port de Shanghai, fin août, le second dans celui de Tokyo, début septembre. Deux événements assez similaires dans leurs scénographies grandioses et animées avec ces énormes containers d’où déboulaient les mannequins. Deux défilés assez semblables aussi dans la sélection des vêtements présentés – un style en costumes colorés, façon color block ou pastel ou dégradé, quelques souvenirs du Kraftwerk et du ska mélangés à des influences années 80 et 90, des sacs et des accessoires flash…
Pourquoi Shanghai ? Pourquoi Tokyo ? Sans doute parce que la Chine et le Japon sont deux pays stratégiques pour Louis Vuitton : la griffe y est très prisée des consommateurs les plus riches. Sans doute aussi parce que ces pays ont su contenir mieux que d’autres – mieux que l’Europe, mieux que les Etats-Unis – la propagation du coronavirus cet été.
D’autres symboles se sont distingués lors de ces événements, surpassant ainsi l’impact des autres défilés de mode cette saison. Ainsi, à Shanghai, Virgil Abloh a prôné avec force l’inclusivité en ne faisant défiler que des mannequins asiatiques alors que les shows font largement appel, habituellement, aux occidentaux. Cette inclusivité s’est traduite également lors des deux shows à travers des références ghanéennes rappelant les origines africaines de Virgil Abloh.
Autre marqueur majeur : le créateur a décidé d’insérer parmi les looks de sa nouvelle collection masculine printemps-été 2021, des tenues imaginées et réalisées pour la précédente collection (certes elles n’avaient pas défilé) et des chutes de tissus laissées pour compte lors de saisons antérieures. Parce que les idées comme les vêtements ne sont pas jetables, a déclaré Virgil Abloh pour expliquer son geste créatif écolo. De quoi influencer le directeur artistique des collections Femme de Louis Vuitton, Nicolas Ghesquière ? Let’s see.