AUCUN ALGORITHME NE REMPLACERA LARA MICHELI !

On aime opposer les choses, les concepts et les idées. Comme si on cherchait dans la confrontation un certain plaisir à souffrir de contractions. Lara Micheli démontre l’inverse, par sa relation paradoxale mais bien assumée et parfaitement conceptualisée, avec la technologie.

Lara admet craindre les technologies numériques tout en reconnaissant leurs bénéfices dans de nombreux domaines.

C’est dans ce joli paradoxe que Lara mène depuis quelques années une aventure photographique particulière à l’heure d’Instagram et autres plateformes iconiques… le portrait photo au polaroid. Sans le savoir, Lara incarne grâce à son œuvre, un mouvement nommé ici vintech. Un néologisme qui porte une tendance anti-réactionnaire et étrangement visionnaire: allier technologies aux outils vintages pour garder l’empreinte de l’histoire et l’héritage artistique qui va avec, tout en profitant des innovations actuelles!

En naviguant sur le profil Instagram de Lara Micheli, on découvre ses photos, avec leur aspect cotonneux, doux, et souvent étonnant. On s’arrête parfois quelques secondes sur une en particulier pour en caractériser la scène et le personnage, souvent décontextualisés par l’encadrement très proche et la lumière diffuse. Ces mains, ces cheveux, ces yeux sont autant de petits détails que de grands sujets dans la photo de Lara. On sent dans ces carrés de couleurs l’envie pour Lara de transmettre une émotion à travers une scène ordinaire, familière et rassurante. “Tu ne prends pas un pola comme tu prends une photo avec ton téléphone portable”. Selon Lara, la perspective, la distance, la lumière ou encore la dynamique du sujet sont appréhendés de manières différentes. En effet, par l’intimité qui se crée en le photographe et le sujet par la courte distance les séparant (il n’y a pas de zoom sur un pola), ou encore par l’immobilité forte du sujet qui empêche tout mitraillement à la volée ou mise en scène d’une situation naturelle pourtant hors de propos. 

Photos Polairoid de Laura Micheli

Lara a plusieurs appareils polaroides dont un SX-70 datant du début des années 70, remis à neuf et “bumpé”. En 2014, Lara commence par des projets de photos de mode au polaroide. “Les marques avec qui j’ai travaillé voulaient les couleurs et l’esthétique du polaroid, inimitables avec quelque filtre ou application que ce soit”. Lara parle de “paradoxe” pour traduire l’objectif des marques de poster des photos d’apparence vintage sur Instagram. Un paradoxe qui a conquis la photographe pour très vite se tourner vers ses propres collections de portraits, de ses proches en commençant par ses enfants. “Je suis toujours tiraillée par l’idée de mettre des photos de mes enfants sur Instagram car je veux les protéger” suivi de “Mais mes polaroids sont différents, ce sont des portraits artistiques”. À l’instar de ces photographes et de ces peintres qui prennent leur propre famille comme modèles, l’art ne situe pas la vie privée au même endroit que les photos instantanées, mitraillées et filtrées des réseaux sociaux. Justement parlons de filtres. “La simple présence d’un cadre blanc ne fait pas d’une photo un polaroid”, Lara souligne ici la perte de repères que nous avons en prenant nos photos à la volée, retouchables, et parfois en dévoilant notre vie privée. Les  photos de Lara dévoilent l’intime mais pas la vie privée… nuance. 

Lara dit distinguer très facilement une photo pola recrée synthétiquement sur Instagram d’une vraie photo pola scannée pour le réseau social. La profondeur de l’image est différente, l’expression des visages et des corps est également différente pour la simple raison qu’on ne prend pas les photos de la même manière. Le temps de pose est plus long, la patience est de rigueur. Récemment, Lara décide de casser avec les propres codes du pola en enlevant les bords blancs de ses photos. Une sorte d’acte de rébellion pour enfin se concentrer sur les vraies caractéristiques d’une photo pola, que sont encore une fois la profondeur, la lumière ou encore la pose. “Le pola c’est entre la peinture et la photo instagram”. Lara souligne le caractère solitaire de la photo au polaroide à l’instar de la peinture. La photo instagram avec nos téléphones quant à elle est un acte social qu’on réalise souvent entourés. On va même jusqu’à scénariser ensemble le cliché tant recherché.

Mais alors, où est donc la technologie numérique dans tout ça? “Je scanne et j’imprime mes pola en grand format”. La numérisation est alors l’étape obligatoire et sensible (l’effet photographique désiré peut s’effondrer au moment du scan) avant impression et encadrement. Mais pas que, sans la technologie Lara ne pourrait pas exprimer son art au grand public, le partager et le faire connaître. Instagram est en cela son média de prédilection. “Je pensais m’éloigner des technologies en me mettant un polaroïde dans les mains… ce fut l’inverse!” avoue Lara en riant. Les algorithmes de suggestion d’instagram l’aident également à faire connaître son travail. Enfin, Lara nous glisse avec une humilité rafraîchissante “Je travaille actuellement sur une expo pour un festival en allemagne”. Ironie du sort et de la situation sanitaire actuelle, la photographe prépare sa première expo sans savoir si elle sera « physique » ou « virtuelle ». Le numérique et les algorithmes ne sont jamais bien loin…

Lara démontre par ses photos et son approche que le vintage a une longue vie devant lui… et ce, grâce aux technologies. Cela étant dit, aucun algorithme de traitement d’images n’est encore capable de reproduire cet effet pola si bien décrit pas Lara. Et même si un filtre polaroid reproduisait avec perfection l’effet en question, jamais la capture initiale de la photo ne pourrait s’accorder avec l’ambiance polaroid d’une photo prise par un SX-70… Tout compte fait, aucun algorithme ne remplacera Lara Micheli, et c’est tant mieux!

Site web de Lara Micheli. By Aurelie Jean

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