Par Monique Le Dolédec
L’odeur des vacances, du jardin, de l’espace… si le concept n’est pas nouveau, il prend un sens différent après ces mois d’enfermement contraints durant lesquels notre odorat s’est endormi, voire pour certains, trouvé durement infecté. Sevré de l’air frais et des brises qui diffusent les molécules odorantes de l’eau, des fleurs, des herbes et des bois, ressentir ce souffle (r)éveiller nos sens et apaiser notre mental devient une nécessité vitale, un manifeste à la liberté, une connection sacrée. Saviez-vous que les récepteurs et le bulbe olfactifs humain se situent au niveau Ajna, le sixième chakra centré selon les Hindous entre les sourcils, et ayant fort à voir avec l’intuition ? De là à penser que, bien choisi, un parfum peut mener à la méditation et à la pleine conscience, pourquoi pas ? « L’odorat est le seul sens en relation directe avec le système lymbique, constate le maître parfumeur Jean-Claude Ellena, créateur de l’eau de Thé vert chez Bulgari, des délicates Hermessences chez Hermès, et aujourd’hui conseiller pour Le Couvent, les odeurs ont un impact émotionnel fort ». Rappelons que du temps des pharaons, les grands prêtres concoctaient des onguents odorants afin d’en faire offrande aux dieux. De bons prétextes pour s’offrir ces amulettes des temps modernes.
Flacons en vacances
Transparence radieuse, tonalités tie & die, imprimés rétro, les flacons déclinent une mode légère et joyeuse et des impressions solaires radieuses. Les parois d’eau transparente ou de ciel sans nuages, ou encore imprimés façon papier peint de maisons de vacances répondent à des noms de destination mythiques. Ilio du Grec Illios qui veut dire « soleil » chez Diptyque, Eden Roc emprunté au mythique palace de la Riviera chez Dior… Côté couleurs, les créateurs puisent dans la lumière de l’été, autant de promesses de sensation libres et sereines façon Peace & Love revu par les années 2020. Le flacon azur Aqua Celestia de Francis Kurkdjian fait le ciel rencontrer la mer, à la manière d’une série de Rodko. Mugler monte une expédition orbitale où son étoile Angel Ice Star rayonne de couleurs galactiques. Le très hype Vuitton confie son flacon aux formes signées par designer Marc Newson à la palette colorielle de l’artiste Alex Israël. Résultat irrésistible : une immersion sur la plages californiennes bordées d’immeubles roses et turquoise. Enfin, registre plus « Maison de campagne » pour Nina Ricci qui confie son magnifique flacon aux deux colombes au jeune duo de créateurs Antoinette Poisson. En découle un imprimé opaque jaune et blanc romantique et… jouissif.
Effleuves touchantes
Nos envies estivales vont instinctivement vers des parfums frais, tendres et pétillants. En recherche de légèreté et d’insouciance. Sorti de la fleur d’oranger naïve et de la divine agrume de bergamote, le registre se réinvente de nouveaux horizons, une expérience vivante comme un long week-end odorant. Le choix se fera donc entre des Colognes revisitées soit dans le registre végétal-aromatique-chic (Baie de genièvre froide soutenu par un bois tourbé dans Paris-Edimbourg de Chanel, soit dans le registre musc-fruité-doudou (Bergamote + cassis pour Aqua Celestia Cologne Forte de Maison Francis Kurkdjian). Là où Mathilde Laurent relève le défit d’« une rose brupte de nature, gorgée de vie et d’essence » dans Pure Rose de Cartier, Marc Antoine Corticchiato dans Mal Aimé de Parfum d’Empire cueille les herbes sauvages oubliées qui bordent les routes de montagne Corse, notemment l’inule, à l’odeur facettée miellée et l’absolue d’ortie.
Chez Guerlain, Flora Salvaggia (fleur sauvage) s’allège de notes aqueuse de melon puis déploie le charme de la violette et de l’iris poudré en fond. La toute jeune maison de parfums 100% naturels Voyages Imaginaires a, de son côté, travaillé une rondelle de bergamote flottant sur dans un thé fumé… so british ! Plus riviera style, inspiré les jardins de bord de mer de l’Eden Roc à Antibes, François Demachy chez Dior, dessine un tableau impressioniste ou les résineux pins d’Alep, l’aromatique garrigue et les fleurettes entêtantes du jasmin s’harmonisent à ravir.
En fait, rien n’étant plus subjectif que nos narines, sachant en outre que l’odeur des fleurs ou des feuilles ne se laisse que rarement capturer, chaque parfumeur travaille toute sa vie à sa propre représentation de la nature. Il est impossible -et inintéressant, de faire une copie conforme. A charge pour nous de s’approprier avec panache ces beautés, de les laisser nous émouvoir et nous connecter ainsi à la nature et notre part sacrée. Bel été !